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  • Photo du rédacteurCharles CROUZAT

Le Psychologue du Travail - découvrir les 3 cliniques du travail

"Lorsqu'un salarié souffre au travail, c'est de sa faute. Il est trop faible, trop fragile !" Voila la croyance qui nous anime pour la majorité. Face à une organisation du travail un salarié aura toujours tord, même s'il a raison.


Pourtant une organisation peut tomber malade. Elle servira moins bien la société. Elle provoquera désengagement, déresponsabilisation, turn-over, souffrance et maladie au sein de ses rangs. Tout le monde peut être touché par ce fléau : opérateurs, techniciens, cadres. Si vous croyez que seuls les plus fragiles sont susceptibles de tomber, détrompez-vous !


En 2009, selon les chiffres de la médecine, 1 personne sur 3 souffrait ou avait souffert au travail. Les contraintes de productivité et la perte de sens finissent par casser les individus. En 2009, les arrêts pour cause de TMS (troubles musculo-squeletiques) représentaient 1 million de journée de travail et 710 million d'euros pour la sécurité sociale, en touchant 1 personne sur 8.*


Dans cet article vous pourriez découvrir le travail autrement. Découvrez comment un psychologue du travail pense et comment il peut soigner à trois niveaux différents, en fonction de sa spécialité :

1) les individus,

2) un collectif d'individus,

3) le travail et son organisation.


Le psychologue du travail peut soigner soit les individus, soit le travail, soit l'organisation. Son rôle peut être curatif ou préventif.

© Pexels.com - Le psychologue du travail peut soigner soit les individus, soit le travail, soit l'organisation. Son rôle peut être curatif ou préventif.



1) Soigner les individus en consultation individuelle


Représentant 90% des psychologues du travail en France, ce psychologue traite l'individu de façon isolée du travail et de l'organisation. Pourquoi isolée ? Parce qu'il n'intègre pas toute la psychodynamique liée à la dynamique sociale au travail. Ce psychologue est spécialisé en psychopathologie du travail et sort majoritairement de l'université.


Il est familier avec les pathologies propres à l'organisation du travail, car les pathologies dépendent du type de métier (BTP, travail à la chaîne, travailleurs sociaux ou dans le soin). Il peut dans certains cas aussi être familier à l'approche TCC.


Cette clinique est souvent employée par des individus qui doivent se reconstruire d'un burn-out seul, d'un harcèlement au travail, d'un épuisement professionnel, de l'ennui, etc...


Ce psychologue lorsqu'il consulte un individu seul, que ce soit en libéral ou au travail, son rôle reste limité à la reconstruction de l'individu et ne permet soigner efficacement le travail et l'organisation. Pour soigner le travail et faire évoluer une organisation, il faut aller du côté des deux cliniques suivantes et solliciter un psychologue du travail formé au CNAM.


Le volant d'action du psychologue travaillant au niveau individuel, peut s'approcher de la pratique d'un coach professionnel, qui formé à l'écoute active et l'approche centrée sur la personne (ACP), permettra une transformation sur l'individu, mais non sur le travail et son organisation.


© Pexels.com - Lorsque nous souffrons au travail, c'est souvent de notre faute nous dit-on. Nous culpabilisons, nous avons du mal à nous comprendre, et les autres peuvent ne pas non plus nous comprendre.



2) Groupes d'analyse de pratique - prendre soin des individus et du travail dans l'organisation (approche collective)


Cette clinique est pratiquée par environ 5% des psychologues du travail, formés par la clinique du psychiatre-psychanalyste Christophe Dejours en psychodynamique du travail. Ici l'individu est pris comme un maillon d'une dynamique plus globale, et ne peut-être exclu du lien social qu'il entretien avec son travail et ses collègues. Les individus ne peuvent tenir au travail que si la clinique porte sur la façon de faire le travail. La pratique permet, entre autre, de mobiliser la reconnaissance à deux niveaux : 1) entre pairs (jugement de beauté) et 2) au niveau hiérarchique / du client (jugement d'utilité).


Où se pratique-t-elle ?

1) Sur le lieu de travail : cas des groupes d'analyse de pratiques.

2) De façon ponctuelle, dans le cas d'un audit professionnel par exemple.


Quel est le postulat de cette clinique ?

1) Le travail est un lieu où l'on se réalise et où on vient chercher à jouer ce qu'on n'a pas pu avoir dans l'enfance. => on choisit son métier en fonction de son histoire de vie.

2) Le travail fait souffrir dans certains cas, et pour cela le travailleur met en place des stratégies de défense individuelle ou collective. Ces dernières peuvent être plus ou moins néfastes. Tout l'enjeu de cette clinique est de permettre de développer des stratégies de défenses qui soient saines pour les individus et pour permettre le travail bien fait.

3) Le corps et la psyché ont un rôle dans le travail. Par exemple je peux évaluer la qualité de la fabrication de mon étalon bateau au toucher du bois. Si on m'impose le port de gants pour une politique sécurité, je perds l'engagement du corps au travail. Je peux perdre le sens de mon métier et me sentir comme amputé d'un pouvoir d'agir.


L'expertise et le rôle de ce psychologue du travail ?

1) Il connaît et comprend la psychopathologie liée au travail et peut soigner des individus.

2) Il peut guider l'entreprise et des collectifs, grâce à l'instauration de groupes de travail à définir des bonnes pratiques pour bien faire le travail tout en tenant compte de la psychodynamique collective.


© Pexels.com - Très souvent on considère que c'est l'individu qui est faible et fragile, car souvent un collectif tombe dans le déni ou ignore que l'on vient tous rejouer sur son lieu de travail, ce dont nous avons besoin pour nous construire en tant qu'individu.


Mieux comprendre ce qu'est une stratégie de défense :

Exemple 1 : cas d'un travailleur sur une chaine de montage automobile.

S'il y a peu de place pour occuper l'esprit et le corps psychique, parce que la tâche est ennuyeuse et répétitive, le travailleur pourrait accélérer le travail. Cela est une stratégie de défense pour contrer l'ennui. A l'inverse cette stratégie augmente le risque d'accidents, et l'apparition de TMS.


Exemple 2 : Cas où il y a beaucoup de tensions dans l'entreprise, et de nombreux salariés se tirent dans les pattes.

Dans ce contexte comme il est impossible de s'ouvrir à l'autre sans risque, mais qu'on a besoin de reconnaissance entre pair, et du sentiment d'appartenance (cf. Maslow) on va désigner un bouc-émissaire de façon implicite (que ce soit un autre salarié, un patron, l'entreprise, la société). Cette stratégie, contrairement à la précédente est collective, mais elle est aussi néfaste.


L'enjeu pour les travailleurs est d'aller vers des stratégies de défense saines.

Par exemple : passer de la stratégie "accélérer le travail" à "prévoir plus de temps de pause, ou plus de roulements".

Le psychologue du travail anime des collectifs / groupes de bonnes pratiques. Les empêchements sont évoqués et des stratégies sont étudiées collectivement avec les travailleurs et le management.


© Pexels.com - Pour ne pas tomber dans une psychothérapie sur le lieu de travail, il est du devoir du psychologue du travail de relier les affects à la façon de faire le métier, et d'étudier comment l'affect empêche le développement de l'activité, ayant comme conséquence de mauvais résultats qualités et de la souffrance au travail.



3) Soigner l'organisation du travail et les individus - clinique de l'activité


Ici, le sujet à soigner c'est l'activité du travail, et non plus l'individu. Ici on considère qu'un salarié qui tombe malade (burn-out, bore-out, dépression, harcèlement, perversion...) est la conséquence d'une organisation malade. Un individu tombe malade, s'il est incapable de réaliser l'activité rêvée, en terme de qualité ou de performance.


Comment se pratique cette clinique ?

Il s'agit d'une méthodologie de recherche-action, c'est à dire que c'est une forme d'audit qui permet déjà d'apporter des solutions lors de son déroulement, en mettant les professionnels en mouvement lors des séances. Nous rassemblons un collectif de professionnels exerçant le même métier. Les professionnels ont la même fiche de poste. Cela est important car ce que nous soignons d'abord dans cette clinique c'est le métier.


Nous convoquons les professionnels en collectif de 8 à 12 (pour deux psychologues du travail) durant des séances de 1h30 toutes les 3 semaines. Nous menons 1 entretien préalable avec le commanditaire pour récolter la commande et les différentes demandes. Puis nous enchaînons sur environ 6 séances de travail avec le collectif où nous les interrogeons sur leurs façons de faire le métier. Forcément, l'activité dialogique convoque de la plainte. Le questionnement du psychologue du travail permet d'étudier s'il y a un empêchement derrière l'affect qui est porté par la plainte. S'il y a bien un empêchement, les professionnels, de par le dispositif clinique peuvent, s'apporter entre eux des nouvelles façons de faire. Il y a alors ce qu'on appelle une convocation de ressources. Il se passe pleins de choses qui sont visibles et aussi invisibles au psychologue du travail.


Après 6 séances, la 7ème sert de restitution des grands thèmes abordés au collectif de professionnel. Cette séance peut permettre d'approfondir des thématiques, et de formuler des demandes à remonter au commanditaire.

Une dernière séance de restitution est réalisée avec le commanditaire.


L'avantage de cette clinique ?

Elle permet d'éviter de tomber dans de la psychothérapie individuelle sur le lieu de travail. Elle permet de limiter l'impact de la sphère personnelle, même liée à la petite enfance sur le lieu de travail, car chaque affect ou plainte, est questionnée afin de savoir comment elle empêche ou non l'activité du travail. Si elle l'empêche alors les ressources pour bien faire le travail et rester en bonne santé sont étudiées par le collectif. Si elle n'empêche pas l'activité de travail, l'affect est très vite laissé de côté.


Remarque :

Cela peut parfois créer chez certains individus un sentiment désagréable, car cette clinique vise à traiter le bien-être du travail, et non pas le bien-être au travail. Cette clinique est très proche de la réalité de l'entreprise, et loin de l'idée que pour être épanoui au travail il faut des tables de ping-pong. Une table de ping-pong serait une stratégie de défense, nécessaire parce que le travail est malade et qu'on n'arrive pas à le soigner. Si on soigne le travail, plus besoin de table de ping-pong.


© Charles CROUZAT - Spécialisé en psychologie du travail, formé à la clinique de la psychodynamique du travail et à la clinique de l'activité au CNAM. Charles est aussi formé aux psychothérapies humanistes avec une base de psychopathologie psychanalytique.



Charles CROUZAT - Psychologue - Psychanalyste - Lille & Villeneuve d'Ascq

La clinique de l'activité, en organisation, est une clinique exigeante et difficile. Elle n'est pas toujours agréable pour les membres et pour le psychologue. La posture du psychologue du travail en organisation est exigeante et très différente de celle que l'on peut adopter en tant que psychologue du travail ou psychothérapeute en cabinet libéral. En organisation, on peut parfois être instrumentalisé par l'organisation ou le collectif, et je pose l'hypothèse que cela peut même être non intentionnel.


C'est une clinique couteuse en énergie, qui idéalement s'exerce à deux psychologues du travail et qui nécessite des temps de supervision entre pairs pour prendre du recul sur sa pratique.


Travailler avec un collectif sur la façon de faire un métier, c'est se confronter à une "très grosse machine". En effet l'attente du collectif sur les psychologues du travail peut-être très forte, et derrière il ne s'agit pas seulement de faire évoluer quelques individus. Il y a une façon d'exercer un métier, dans une organisation du travail qui comprend une histoire, des contraintes et une multitude d'individus qui interagissent entre eux avec chacun une histoire individuelle. Les interactions sont démultipliées par rapport à une clinique classique qui ce centre sur un individu isolé.


Pour me contacter vous pouvez visiter mon site internet www.charlescrouzat.com, m'appeler ou prendre directement RDV en ligne ici.


Références

* Extrait du documentaire « La mise à mort du travail » par Jean-Robert Viallet 2009 - France - 68 minutes - 3 épisodes - HD

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