"Je sais que je ne sais rien" nous disait Socrate. A l'image de ce grand sage, certains psychologues incarnent cette philosophie, d'autres pas. Il existe de ce fait au moins deux écoles de Psy :
ceux qui savent (au nom d'une science) et qui nous dirons "quoi faire" et "comment faire". Ils pourront aussi nous dire ce qui ne va pas chez nous.
ceux qui savent qu'ils ne savent pas et qui nous permettront de trouver nous mêmes les réponses aux questions que nous nous posons.
Dans la pratique un entre-deux peut cohabiter, en fonction des situations, et de votre avancement en séance.
Les deux visions partent d'une conception de la vie, et donc de l'homme, différente.
Dans le cas du psychologue expert-sachant, l'homme peut-être réduit à un ensemble de principes et de lois (cognitives ou comportementales par exemple). Le psychologue travaille donc à partir de la connaissance de ces lois. Il a une posture plutôt haute : il est le sachant, l'expert. Il vous guide.
Dans le cas du psychologue humaniste, le Psy sait que votre représentation du monde est bien plus complexe et riche que ce que vous pouvez traduire en séance par les mots. C'est donc à vous de vous en saisir, c'est un défi dont il a conscience, et son rôle est de vous aider à vous en saisir. En PNL il est dit que "la carte n'est pas le territoire", c'est à dire que "ce que je dis, ne représente pas ce qui Est, mais il s'agit d'une simple manifestation, d'un phénomène incomplet, imparfait et en devenir". A l'image de Maggrite : "ceci n'est pas une pipe", ce que je dis ne traduit que de façon imparfaite ce qui est vraiment. L'alliance thérapeutique, le cheminement par la parole, l'alchimisation des sensations et émotions dans l'ici et le maintenant, vous permettent d'avancer sur votre propre chemin et de libérer des mémoires inconscientes.
La deuxième approche, plus humaniste et existentielle, s'oppose à une vision mécanique et réductible de l'homme, de sa psyché et de son essence. C'est cette vision là qui fait que le métier de Psy est si riche et si complexe.
© Andrea Piacquadio - La posture du psy dépend de ses croyances et de sa vision du monde et de la vie.
1) Cas clinique
De façon parfois commune, le psychologue peut orienter l'échange sur un point qu'il a lui-même jugé important. Pourtant, cela peut parfois être un contre-transfert maladroit. Le plus important n'est pas ce que le psychologue juge important. Il peut poser des hypothèses et les proposer, mais c'est au client-patient de s'en saisir, ou pas...
Je vais vous prendre le cas de Alice, une jeune femme qui a subit une agression qui l'a profondément marquée, et qui m'a été conduite par un parent. Alice vient me consulter après avoir vu plusieurs médecins psychiatres et psychologues.
La séance démarre comme toujours, avec ce qui se présente, à la fois au niveau des mots, ainsi qu'au niveau des émotions et ressentis dans le corps. Un schéma de fonctionnement se dessine petit à petit, des émotions ressurgissent, alors on prend le temps. Je propose régulièrement à Alice si elle souhaite aller plus loin dans l'exploration de son ressenti ou pas. Je lui pose donc ouvertement la question. Cela permet à Alice de rester maître du processus, et consciente.
Lors de la séance nous allons sur deux tableaux.
Dans le premier tableau (30 min), nous allons explorer ce qui se présente à l'instant t vis-à-vis de l'agresseur. Au bout d'un moment des résistances se font ressentir. Lorsque je demande à Alice "Voulez-vous nommer votre agresseur pour lui exprimer votre colère ?", elle répondra "non". Laissant alors du temps, de l'espace, des silences, je décide de ne pas insister (c'est elle qui me déplace où elle souhaite / où c'est juste pour elle dans l'instant présent). Je lui propose alors de revenir à sa place initiale (sur sa chaise), de prendre du recul sur ce qui vient de se passer.
Puis nous partons sur un tout autre terrain, le deuxième tableau : un terrain où Alice se projette dans l'avenir, exprime ses envies, ses besoins. Dans la seconde partie de la séance nous poursuivons ainsi. Je questionne Alice sur ce qu'elle projette de faire, ce qu'elle ambitionne pour avancer. Le questionnement est principalement orienté par le "Comment".
Alice me dira à la fin qu'elle se sent mieux et qu'elle avait besoin de ça, de se projeter, et de ne pas tourner en boucle. Elle me confiera s'être parfois confrontée à des postures de professionnels qui insistaient pour la faire parler de son agression, mais que ce n'est pas ce qu'elle voulait à l'instant t. (En avait-elle besoin ? ... Qui peut vraiment répondre...)
© Andrea Piacquadio - On peut aller revisiter une agression grâce à un Gestalt thérapeute et retrouver du pouvoir d'agir avec un Psy pratique la psychothérapie brève orientée solution.
2) L'avantage de l'approche humaniste pour sortir d'une agression
Lorsque l'on se fait agresser, nous nous retrouvons dépossédé de notre corps, nous avons l'impression que notre être le plus profond est touché. C'est une violation forte, faite au corps et à l'esprit. Il s'agit d'un moment ou nous perdons tout pouvoir sur nous-même, cela peut-être traumatisant.
L'avantage de la pratique humaniste, c'est qu'en responsabilisant le client-patient, elle lui permet de retrouver du pouvoir d'agir en soi. Le pouvoir d'agir qui a finalement été violé et touché lors de l'agression. La thérapie orientée solution est donc une piste de sortie intéressante pour se remettre d'une agression tout comme de l'anxiété panique.
© Pixabay - En tant que Psys, nous devons veiller à ne pas enfermer nos patients dans leurs troubles.
3) Ce que nous apprend la psychanalyse et Freud
Nous pouvons trouver chez Freud, des éléments qui nous font dire que ce qui compte, n'est ni l'une ni l'autre de la posture "d'expert" ou "d'humaniste" qui est important, mais la capacité, pour le Psy, d'analyser l'activité transférentielle afin de permettre de réparer ce que est blessé. Le transfert permet au client-patient de "retrouver les fragments de l'histoire du passé, de renouer avec elle" (Sédat, 2006) . Ce que projette le client-patient qui vient consulter sur la figure du Psy est le plus important.
Pour Freud "c'est le psychothérapeute qui est déplacé par la parole du patient, parole qui dans sa dimension performative, impose à l'analyste d'être le représentant d'une figure du passé" (Sédat, 2006). Donc même si le psychologue se dit expert, et que cela attire le client-patient, son expertise doit aussi lui permettre de faire preuve de "naïveté", et donc d'admettre qu'il peut ne pas savoir pour l'autre, afin de se laisser déplacer par son client-patient. A ce titre, l'expertise de l'analysant (le Psy) repose sur sa capacité à questionner sa pratique, afin d'analyser son contre-transfert, car c'est le client qui doit guider.
Le psy est aussi déplacé, parce que dans la relation de transfert, le thérapeute peut lui même rejouer inconsciemment une figure du passé.
Finalement, ce n’est pas tant « savoir » ou « ne pas savoir » qui est important dans ce transfert, mais bien la capacité du praticien à poser des hypothèses et prendre conscience de l’activité transférentielle et contre-transférentielle, pour travailler avec. Par exemple, un psy peut très bien « tout savoir », et cela peut être la raison pour laquelle il a été choisi. Ce qui est important c’est que par sa pratique et son analyse de pratique, il soit capable de lâcher son savoir si cela s’avère utile dans la relation thérapeutique. Ce qui devient plus important ce n’est pas la posture initiale en soi, mais la capacité à faire évoluer sa posture au cours du travail, et d’adapter sa pratique à son client. C’est dans ce mouvement là que nous trouvons la notion d’être déplacé en tant que praticien par le client.
A l’inverse, si le praticien est reconnu pour sa capacité à pratiquer une « maïeutique socratique » pour permettre aux individus d’aller explorer en profondeur qui ils sont, leur ombre comme dirait Jung, le praticien peut au cours de la relation de travail, à un instant très bref chausser ses chaussures de sachant, pour venir affirmer haut et fort quelque chose, et observer la réaction.
© Anna Shvets - Au delà de son savoir, le psychologue doit savoir se laisser déplacer par son client-patient.
Métaphore :
Le praticien devient alors comme un chirurgien qui s’est infiltré dans des intestins, il progresse au fur et à mesure, les intestins bougeant dans tous les sens, et il continue à cheminer au rythme que lui permet son patient. Parfois il peut apercevoir ce qu’il pense être une plaie, puis parfois la perdre de vue, et continuer son chemin. Puis s’y rapprochant doucement, il peut confirmer que c’est bien une plaie. Patientant encore (dans son ignorance) il accepte encore de bouger là où le client l’emmène, quitte à perdre à nouveau de vue la plaie, l’intestin s’entortillant dans tous les sens. Une fois suffisamment proche de la cible, il peut alors exercer d’un geste sûr, précis et confiant, au niveau de la plaie un geste réparateur pour refermer la plaie (ou y contribuer). Dans la cas de la psychothérapie, ce geste réparateur peut-être une parole, un geste, une alliance. Voici une métaphore qui illustre merveilleusement bien le fait d’accepter être conduit par ci et par là, et projeter de soi localement comme une figure de "sachant guérisseur".
Cette idée a été nouvelle pour moi, car il ne me semblait pas éthique ni raisonnable de projeter de soi sur l’autre. Mais Freud nous apprend que nous ne pouvons pas faire autrement que de projeter. L’activité transférentielle existe forcément. Le travail de l’analysant est de l’identifier et travailler avec. Comme me l'a dit un de mes enseignants, Dominique Pianel, le fait que l’autre nous raconte une histoire, d’une certaine façon, nous touchera, et il s’opèrera aussi alors une activité transférentielle, qu’on le veuille où non, même si on pratique la maïeutique. La seule chose que nous puissions faire c’est apprendre à identifier cette activité.
Travailler à prendre conscience du contre-transfert, et s’appuyer dessus, est alors clé au delà de la posture "d'expert" ou de "naïf".
Les agriculteurs qui font vêler, et qui sont des maïeuticiens du corps, savent bien qu’une vache a parfois besoin d’aide pour accoucher. L’agriculteur doit alors savoir mettre les pieds dans le plat et aider la vache à accoucher. Par analogie, si on considère qu’un client en thérapie vient pour accoucher de lui-même, il peut être utile pour le praticien de mettre les pieds dans le plat, et donc de se présenter dans une posture de sachant, à condition d’être capable de questionner sa pratique et de s’adapter, et donc de reconnaître son ignorance. C'est un équilibre complexe et non sans risques.
© Charles CROUZAT - Psychologue à Lille & Villeneuve d'Ascq - Psychanalyste - Coach certifié HEC Paris - Charles pratique ce métier parce qu'il pense que nous avons de plus en plus besoin de nous connecter à nous même, de renouer avec une spiritualité qui ne soit ni dogmatique ni trop restreinte.
Charles Crouzat - Votre Psychologue Psychanalyste
Le métier de psy me fascine de par sa complexité et de sa richesse. Il m'apparait de plus en plus évident que nous sommes fait d'un monde intérieur aussi grand qu'est le cosmos. Pourtant, quelle surprise de constater à quel point nous pouvons le délaisser et nous noyer dans toutes sortes de dépendances et addictions.
Si j'agis en tant que Psy aujourd'hui, c'est aussi parce que j'agis en tant que citoyen-philosophe qui considère que nous avons besoin de bâtir un monde où nous redonnons de l'importance à la spiritualité, à la dimension intérieure de l'homme. Bâtissons un monde où cette connexion à soi est plus présente, permettons dans chaque institution, à chaque individu, de vivre cette relation à soi et au mystère de la vie. La vie est mystère. Il faut être aveugle pour ne pas le voir.
Vous pouvez prendre RDV en ligne pour une psychothérapie en cabinet ou en ligne ici. Pour découvrir la philosophie, l'histoire et la pratique du praticien vous pouvez visiter le site internet www.charlescrouzat.com.
Sédat, J. (2006, 6). Position du psychanalyste. Le Carnet Psy , 48 à 49.
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