1) L'Amour du psychologue en psychothérapie - entre Eros et Joie divine
Le transfert amoureux est parfois inévitable en psychothérapie. C. G. Jung nous dirait qu'il y a au moins 4 personnes qui se rencontrent dans une alliance thérapeutique. S'il y a deux êtres d'os et de chairs, il y a aussi au moins deux figures archétypales : animus et anima.
Le sentiment amoureux en psychologie, tantôt vécu comme un frein, pouvant mettre fin à une thérapie, si vécu comme une source de passion - c'est à dire que patient et thérapeute tombent dans une relation amoureuse de chair - il peut aussi sublimer une psychothérapie.
1) Dans le premier cas, l'amour peut mettre à mal un travail thérapeutique s'il est vécu selon le principe de l'Eros. Il est d'ailleurs contraire au code de déontologie des psychologues. Le patient perd la neutralité bienveillante, et la sécurité. Il rejoue un schéma qui peut ne pas lui convenir avec son thérapeute, sur le moyen et long terme.
2) Dans le deuxième cas, l'Amour peut sublimer la thérapie s'il est vécu selon une Joie - dans le sens spinoziste du terme. Il faut de ce fait au psychologue, être bien plus qu'un sachant, il lui faut être sage, pour ne pas céder à ses passions passives, et pouvoir Aimer de façon vertueuse.
A en croire Spinoza (selon l'Ethique), seul l'homme pratiquant des exercices spirituels, permettant de "transformer chaque passion en vertu, et chaque occasion de tristesse en source de joie" pourra aimer vraiment. Il faut donc au psychologue une connexion forte à la spiritualité, à l'intuition existentielle, sans pour autant tomber dans le rôle de gourou ou mystique, pour Aimer vraiment. Il y a là un subtil équilibre à cultiver pour le thérapeute.
© Naomi Salome - L'Amour peut sublimer une psychothérapie
2) L'Amour dans le processus thérapeutique ? du Docteur Christophe Massin
Voilà un passage marquant, qu'une consœur m'a partagé, qui en dit long sur ce qui est important selon certains psychologues dans la psychothérapie. L'extrait suivant est extrait de l'ouvrage "Souffrir ou Aimer ? Transformer l'émotion" du psychiatre Christophe Massin.
L'approche de ce psychiatre est teintée d'une spiritualité, indienne. Le Docteur Massin ayant suivi les enseignements, entre autres, de Swami Prajnanpad.
Voici ce que nous dit le psychiatre :
"Je veux souligner le point qui joue un rôle crucial dans une démarche de guérison de la souffrance. La compréhension intellectuelle de ses propres fonctionnements ne suffit pas. La sensibilité doit être touchée.
Une personne en souffrance, pour changer, a besoin de recevoir de l'attention, et mieux, de l'Amour. Il lui faut se départir de défenses, d'inhibitions, et de tensions, qui l'empêchent de s'en imprégner, donc se rendre véritablement réceptive.
Elle apprendra simultanément à identifier son besoin, et à demander. Cet apprentissage de la demande, présente un double avantage pour soi-même et pour tisser des relations plus nourrissantes.
J'utilise sciemment le mot Amour et non la neutralité bienveillante de Freud, y voyant une implication plus forte. Quelle signification accordai-je à l'Amour du côté du thérapeute ? Il ne s'agit ni de maternage, ni de paternage, mais d'une ouverture du cœur, d'un respect, d'une recherche attentive et patiente du besoin réel de la personne. Sans prétendre savoir mieux qu'elle, c'est l'aider à se rapprocher de son ressenti, et à l'exprimer, afin qu'elle puisse comprendre, expérimenter, oser, s'affirmer, tout ce qui va contribuer à l'ouvrir, à la rendre plus libre et autonome.
Etre pleinement au côté de la personne engage la vivacité de l'esprit, la sensibilité du cœur et la présence corporelle. Le contact physique, intervient dans certains moments privilégiés et dépasse alors le pouvoir des mots. Comme toute chose précieuse, il demande une vigilance particulière. Ni familiarité, ni facilité, ni dérapage dans le désir. L'Amour porte en lui cette exigence."
© Marko Zirdum - La thérapie, c'est de l'Amour
3) Le transfert amoureux en thérapie
En 2017, commençant un cycle d'étude de psychothérapie psychanalytique, le premier module s'intitulait "Amour et éthique". J'ai alors entendu une psy nous dire que "la thérapie c'est de l'amour". A l'époque quelque chose a bondi en moi. "Comment peut-elle oser dire cela ?" pensais-je.
A l'époque, je me voyais beaucoup plus guidé par mon mental, et la volonté de comprendre, contrôler et maitriser le processus thérapeutique.
Or sur mon cheminement personnel, à travers l'expérience de la pratique thérapeutique et énergétique en tant que patient, m'ont révélé que le chemin nous le faisons seul, accueilli de façon inconditionnelle par le thérapeute. En d'autre terme, porté par l'Amour du thérapeute. C'est cela qui libère vraiment, et qui continue de me libérer à titre personnel. Ce processus, nous le nommons : l'Amour.
C'est parce que certains comprennent cela, que certaines psychothérapies peuvent parfois se rapprocher de certains mythes et paraboles religieuses. Finalement, il n'y a pas de hasard. La connaissance de soi, et le cheminement intime, est, dans une certaine mesure, un cheminement spirituel et intime. Il faut une certaine finesse et recul pour percevoir cela.
Attention : ce cheminement doit selon moi aussi se faire avec la raison consciente de chaque individu, pour éviter de tomber dans une sorte de dérive sectaire.
© Anderson Portella - Tout psychologue devrait pouvoir sublimer l'amour Eros en Amour ontologique
4) Les deux formes d'Amour en psychothérapie : entre Amour vertueux et amour passionnel
L'Amour peut être entendu de deux façons.
1) l'Amour inconditionnel ou spirituel (Agapè).
L'homme vit cet amour libéré de ses passions (ou affects passifs), c'est l'Amour noble selon Spinoza. L'Homme aime ce qui Est, et ce qu'il aimerait qu'il soit (<=> à l'amour conditionnel). Il s'agit d'un Amour actif, car régit par des affects actifs. L'Amour revêt plus d'une démarche de choix et de volonté. L'expression "tomber amoureux", n'est de ce fait pas approprié. Cet Amour s'apprend. "Aimer" peut-être entendu comme un verbe d'action.
2) un amour lié au corps et à la chair (Eros).
L'homme vit cet amour guidé par ses passions, ses affects passifs. Il en est l'esclave. Cet amour peut paraitre très intense, et s'il n'est pas dompté, il peut-être destructeur.
Tout psychologue peut être touché par l'amour Eros envers son ou sa patient(e). S'offre à lui deux options :
1) Céder aux passions, et vivre un amour Eros. Qui est hors cadre déontologique.
2) le sublimer en amour ontologique, dans la conscience que cela peut révéler d'autres choses, comme le besoin fondamental d'aimer et d'être aimé.
Je pense que tout homme et tout psychologue devrait pouvoir sublimer l'amour Eros en amour ontologique (c'est à dire lié à l'Etre et une conscience du mystère de la vie).
Comme pour tout sujet en psychothérapie, le psychologue peut et doit pouvoir mettre un terme au travail thérapeutique s'il ne se sent plus apte à accompagner un patient. Car si dans toute profession médicale, le soignant doit veiller à l'intégrité physique et psychique du sujet, il y a, en psychothérapie, une éthique qui s'impose d'autant plus que nous touchons au mystère de l'Etre et de l'âme humaine. L'Amour thérapeutique, consiste à accueillir et révéler ce qui est, dans une forme de méditation de ce qui Est, par l'esprit.
Rare sont les psychologues qui osent partager une anecdote, et/ou s'ouvrir à ce qui se peut se passer en soi dans certains contre-transferts thérapeutiques. Durant mes années de pratiques et d'études, je n'ai jamais rencontré un psychologue osant aborder ce sujet avec confiance et sérénité, pourtant, je sais combien cela est bien plus fréquent qu'il n'y parait. J'ai déjà eu des patients venants me consulter, ayant perdu la relation thérapeutique, ayant entamé une relation de chaire (éros) avec le psychologue.
© Mart Production - "Quand on est psychologue, accueillir un sentiment de désir amoureux, peut, en premier lieu, être déroutant".
5) Anecdote : quand un psychologue tombe sous le charme d'une patiente, et peut sublimer ce désir en Amour ontologique
Je vais vous partager une situation, sur laquelle j'ai pas mal travaillé en analyse. Tout d'abord, je tiens à souligner, qu'en thérapie, pratiquant l'écoute, j'écoute aussi ce qui se passe et ce qui se joue en moi (dans mon corps et sensations), et dans la relation de transfert au patient présent au cabinet.
Puis, je prends une certaine distance, non pas pour ignorer ou rejeter, mais pour oser accueillir ce qui est, et cela, en premier lieu, n'est pas simple, surtout quand il s'agit d'un puissant désir à l'encontre d'une patiente. Pourtant il se peut qu'il n'y ait pas de hasard, et que cela est quelque chose en lien avec le motif du travail du patient.
Quand on est psychologue, accueillir un sentiment de désir amoureux envers un patient ou une patiente, peut, au premier abord être déroutant et choquant, surtout si nous n'avons jamais été préparé à cela. Pourtant, pour celui qui a étudié l'éthique de Spinoza, il peut comprendre que la méditation consiste non pas à décider de ce qui nous traverse, mais accueillir ce qui Est. C'est cela l'Amour, c'est cela la Joie.
Je recevais une patiente, depuis maintenant quelques séances. Il m'arrivait d'éprouver une Joie à l'idée de la retrouver au cabinet. Comme une sorte d'excitation enfantine. Certes, je la trouvais belle femme, et en même temps, une instance en moi repoussait cette idée de façon rigide, en disant que cela n'avait rien à faire en thérapie et encore moins, dans l'exercice du métier de psychologue et psychothérapeute.
L'alliance thérapeutique, bien qu'en apparence construite, présentait certaines fragilités - peut-être est-ce le lot de nombreuses alliances thérapeutiques. Cette fragilité, je la reliais à une forme de peur et de crainte, présente de façon latente dans la relation thérapeutique. Les séances passant, cette peur s'est atténuée, à mesure, qu'en tant que thérapeute, j'apprenais à partager ma vulnérabilité, dans une humanité et humilité qui nous touche tous.
Lors d'une séance, alors que j'écoute ce qui est dit et ce qui se joue dans l'ici et le maintenant, je me sens traversé, par une image et des sensations corporelles. Cette image est accompagnée d'un désir intense que mon esprit projette sur la personne face à moi (qui pourrait être une projection de mon anima). Tentant en premier lieu d'écarter cette image, que je trouve déplacée, l'énergie du désir s'en trouve renforcé.
Faisant mon travail, qui consiste à écouter, à accueillir, d'une porte peut-être semi-ouverte, dans la conscience ontologique de l'Etre, j'interroge le désir :
"Es-tu le fruit de mon imagination, d'un désir refoulé ? Es-tu en lien avec ce qui se joue dans le travail thérapeutique ? Pourrais-tu être en lien avec le besoin de la patiente, à se sentir intensément aimé ? Ou de mon propre besoin d'homme mortel et fragile ?"
Restant à l'écoute, j'ose laisser cette image et ses sensations s'installer en moi. Une image se dessine dans mon esprit, où j'aperçois deux corps enlacés, debout face l'un à l'autre, dans ce cabinet. L'étreinte à l'air tendre et passionnelle.
Charles Crouzat - Psychologue et Psychanalyste - Lille & Villeneuve d'Ascq
Habitué à écouter ce qui se passe en moi, d'un point de vu sensoriel et émotionnel, en plus d'écouter par l'ouïe, cette expérience était malgré tout nouvelle et déroutante pour moi. Osant faire confiance à ce qui Est, et accordant une confiance réciproque à la femme assise en face de moi, après un moment d'hésitation et de silence, je lui demande si je peux reformuler ce par quoi j'ai été traversé lorsque je l'écoutais. Me répondant par l'affirmative, en me rappelant combien cela est important pour elle dans le travail thérapeutique, je lui renvoie trois mots : désir, peur, espoir.
Sur le plan énergétique il s'est passé quelque chose, et cela sera confirmé plus tard lors d'autres séances. Derrière une sorte de perfection, de contrôle de son image, suscitant un désir passionnel, se cache comme un souhait pour l'âme de s'incarner simplement et imparfaitement, bloqué par la peur de l'égo (du mental - Moi) de mal faire / mal-être, craignant par dessus tout de ne pas être aimé, venant renforcer le besoin (conscient ou inconscient), de capter le regard pour être vu et admiré.
Alors à chaque fois que le psychologue, peut renvoyer simplement par des mots ce par quoi il peut se sentir traversé, non seulement, il renvoie à l'autre l'idée que "je peux être aimé et désirable, simplement", invitant par la suite à descendre plus loin, en touchant d'autres choses, comme pour révéler en tant que centralité du travail thérapeutique, le souhait d'oser être soi, imparfaitement, libre et heureux.
La finalité du désir éprouvé par le psychologue, n'est donc pas un passage à l'acte au sens de l'amour Eros, il est de reconnaître l'énergie, la nommer, et surtout Aimer au sens ontologique.
Pour me rencontrer, j'exerce dans un cabinet de psychologie au cabinet de Lille et de Villeneuve d'Ascq. Il est aussi possible de réaliser une consultation de psychologie en ligne. Cliquez ici pour prendre RDV.
Comments