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Photo du rédacteurCharles CROUZAT

Vivre ou survivre ? du Père Cherel

Notre période questionne la mort, l'un des plus grands tabous de notre temps.

Ce qu'on appelle le "progrès scientifique" nous éloigne de notre finitude. Finitude, pourtant tant défendue par Rabelais... Accroissant ainsi la peur de la mort.


Nous passons notre vie, à courir, sans nous préparer à mourir ; jusqu'au jour où nous semblons la découvrir, elle, au détour d'un chemin. Elle, qu'on occultait alors. Elle, qu'on aurait aimé ne jamais croiser. Elle, qui nous permet pourtant de vivre...


Et si accueillir la mort était une façon d'accueillir la vie ? Et si vivre ne se résumait pas qu'à ne pas vouloir mourir ?


Merci Père Cherel pour vos mots, transmis par un être de cœur, que je me permets de reposer ici, tels qu'ils m'ont été transmis.


© Ashley Fontana - "Mourir sans doute, mais mourir vivant !" Père Cherel



"Depuis que le virus tue, on nous répète comme une leçon universelle que la vie est le bien le plus précieux et qu’il faut la protéger, quoi qu’il en coûte.


Quoi qu’il en coûte ? Ce discours semble ne souffrir aucune contradiction ni tolérer la moindre nuance. Et pourtant... Comment ne pas voir que vivre ne consiste pas seulement à rester en vie ? D’où vient ce manque de profondeur, cette perte de perspective, cette cécité qui frappe notre monde ? Comment avons-nous laissé se dégrader nos vies au point de les confondre avec notre seule survie ?


Survivre quoi qu'il en coûte ? Mais quelle est donc cette vie pour laquelle nous serions prêts à consentir à tous les sacrifices ? Quelle est cette mort qui nous terrifie au point de lui livrer en pâture notre vie sociale, nos visages désormais masqués, nos anciens abandonnés dans leur solitude, nos embrassades interdites et jusqu’à nos mains qui ne peuvent plus se serrer ? Sommes-nous donc prêts à tout, y compris à cesser de vivre, pour ne pas mourir ? Cesser de vivre pour ne pas mourir…


L’étrangeté de ces mots et l’absurdité vers laquelle ils nous précipitent !

Survivre quoi qu'il en coûte ? Mais à l'évidence, il ne suffit pas de rester en vie pour être vivant. Et nous savons bien ce qu’est le naufrage d’une existence qui ne sait rien faire d’autre que s’agripper à elle-même.


Survivre quoi qu'il en coûte ? L'erreur grossière consiste à penser que la vie serait un capital que nous aurions reçu au commencement et qu’il s’agirait de défendre contre toutes les attaques extérieures. Un capital voué inexorablement à fondre, au fil des ans, comme banquise au soleil. Car la mort surviendra tôt ou tard. Sommes-nous donc condamnés à vivre comme une armée battant en retraite ? Jusqu’à l’inévitable défaite… Est-ce cela vivre ?


Survivre quoi qu'il en coûte ? Bien sûr, il nous faut lutter contre ce virus et protéger notre santé comme on protège la banquise de son effondrement. Mais protéger la vie, c’est autre chose ! La vie n’est pas un capital à défendre mais un horizon à atteindre. Elle n’est pas une bouée à laquelle on s’agrippe mais un trésor qu'il nous faut trouver. Vivant, il ne s’agit pas de le rester mais plutôt de le devenir ! Et nous ne sommes encore qu’imparfaitement vivants. Bien souvent, nous vivons dans le seul but de ne pas mourir. Ce n’est pas cela vivre...


Mais vivre !

Et tenir la main du vieillard jusqu’à son dernier souffle ; sentir que ces minutes-là sont plus précieuses que la plus scientifique des immunités. Vivre et ne pas concéder le moindre compromis quand il s'agit de rester humains. Jusqu'au bout. Quoi qu’il en coûte…


Vivre ! Et ne pas se plier aux menaces des violents. Savoir que la mort est toujours un risque mais qu’il y a plus grave que mourir : c’est de ne pas oser vivre. Vivre et ne pas avoir peur de risquer sa vie. Quoi qu’il en coûte…


Vivre !

Et ne plus savoir compter, calculer, mesurer, comparer, produire ; mais apprendre à s’émerveiller, chanter, offrir, jouer, contempler. Donner plus d’importance à ce qui ne sert à rien : au jeu de l’enfant, au silence dans le vent du soir et aux fleurs qui ne savent même pas qu’elles sont belles. Quoi qu’il en coûte…


Vivre !

Et accueillir notre fragilité comme une chance. En avoir fini avec l’angoisse de ne pas être tout, de ne pas pouvoir tout. Ne plus avoir à se prouver que l’on mérite de vivre. Ne plus avoir à mériter. Mais vivre simplement. Quoi qu’il en coûte…


Vivre !

Et ne plus regarder le temps qui passe comme l'horloge implacable qui m’attend ou le sablier qui dévide mes heures. Mais accueillir le temps comme un ami qui joue dans mon camp. Et qui me bonifie comme les années rendent bon le vieux vin. Vivre et ne plus avoir peur de vieillir, de se rider, de se courber et de faiblir. Quoi qu’il en coûte…


C’est cela vivre. C’est cette vie-là qu’il nous faut défendre, quoi qu’il en coûte. Quitte à en mourir...


Mourir sans doute, mais mourir vivants !

Vivre et ne plus avoir peur de mourir.

Vivre et ne plus avoir peur de vivre. Enfin !"


« Qui cherchera à garder sa vie la perdra. Et qui la perdra, la trouvera » Luc 17,33


Pere Christian Cherel - transmis le 2 Décembre 2020

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